Le développement durable, polluer moins pour polluer plus longtemps
- Publié le 2 mai 2017
Il y a quelques années, je lisais un livre sur le développement durable en entreprise. L’un des chapitres brossait un aspect plutôt sombre de ce concept. Et c’est alors que je suis tombé sur la phrase : « Le développement durable, c’est polluer moins pour polluer plus longtemps. »
Cette représentation pessimiste du développement durable m’avait quelque peu irrité, je dois l’admettre. Je ne me souviens plus du titre du livre et encore moins de l’auteur, mais qu’importe, bien que je lisais les propos d’un expert du domaine, je ne pouvais être en accord avec cet énoncé.
J’avais l’impression que l’auteur s’était résigné au fait qu’une société durable ne verrait jamais le jour. J’avais l’impression que cet expert ne comprenait plus la définition même du développement durable, soit un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »
Autrement dit, le développement durable c’est faire en sorte de répondre à nos besoins – manger, boire, se vêtir, être en santé, être éduqué, être heureux – tout en s’assurant que nos enfants, petits-enfants et ainsi de suite ont la capacité de faire de même.
Est-ce que polluer moins pour polluer plus longtemps peut permettre à une société de continuer à répondre à ses besoins, génération après génération, sans faillir? Bien sûr que non. Selon la définition, il faut arrêter de polluer au-delà des limites environnementales pour notre bien-être personnel et collectif, puisque c’est l’environnement qui permet de répondre à tous nos besoins sans exception.
Toutefois, ce n’est pas à l’image de la situation actuelle. Épuisement des ressources, changements climatiques, inégalités sociales, pénurie d’eau potable, crise alimentaire, non-respect des travailleurs, appauvrissement des sols et j’en passe. Des preuves qui viennent démontrer à quel point nous sommes de médiocres gestionnaires.
Donc, nous sommes loin, très loin, d’un développement durable. Mais, est-ce que cela signifie que le concept du développement durable en lui-même a échoué? Comment peut-on discuter de l’échec du développement durable s’il n’est même pas encore appliqué? Comment peut-on dire que nous avons perdu une partie de hockey si nous n’avons même pas encore commencé à jouer? Le développement durable n’est pas un échec. Mais, nous devons commencer à l’appliquer selon sa vraie signification.
Nous parlons même maintenant de développement soutenable, de responsabilité sociétale, de développement viable, d’économie verte, et d’autres termes qui ne sont que des synonymes, de près ou de loin, du développement durable.
Il y a même une personne m’ayant déjà dit que le développement durable avait failli, que c’était un concept dépassé. Il parlait maintenant du beyond sustainability, au-delà de la durabilité. Avant d’aller au-delà de la durabilité, pourquoi ne pas commencer par atteindre cette durabilité en question.
Je crois qu’il s’agit tout simplement d’une volonté d’avoir un nouveau terme qui, encore une fois, veut sensiblement étaler le même constat. Avons-nous peur d’employer le terme développement durable parce qu’il s’est fait surutiliser à toutes les sauces? Que le terme semble aujourd’hui galvaudé, qu’il n’a plus aucun sens?
Les dirigeants d’entreprise pensent que le développement durable est une invention des environnementalistes pour freiner leurs ardeurs économiques tandis que les environnementalistes croient que le développement durable est une invention des dirigeants pour vouloir redorer leur image corporative.
Je crois sincèrement qu’il est temps de se réapproprier la vraie définition du développement durable. Changer les mots pour vouloir atteindre le même but est contre-productif. Le terme développement durable commence à entrer dans l’esprit des gens, ce n’est pas le temps de recommencer à zéro avec un nouveau groupe de mots qui aura la même signification au final.
Néanmoins, il est vrai de mentionner que le développement durable a perdu quelque peu ses lettres de noblesse. Il est vrai que ce concept a semblé perdre sa signification par l’utilisation abusive du terme. C’est à nous d’être vigilants et d’avoir un esprit critique.
Une entreprise ne peut pas faire du développement durable en soi. Ça ne veut rien dire. Elle fait plutôt une démarche de développement durable. Il s’agit d’une évolution longue et complexe. Il s’agit de mettre en place un processus d’amélioration continue sur différents aspects de l’entreprise. Une entreprise ne peut du jour au lendemain devenir une entreprise durable.
Donc oui, nous sommes au stade où les entreprises donnent en effet l’impression de vouloir polluer moins pour polluer plus longtemps. Ce sont des entreprises impliquées dans une démarche faisant des efforts pour améliorer leur responsabilité sociale tout en diminuant leur empreinte environnementale de manière progressive. Mais, ce n’est pas encore assez pour être durable, au sens strict du terme.
Il n’est pas encore possible de se reconnaître comme une entreprise durable puisque chaque entreprise utilise toujours des ressources non renouvelables dans leur procédé de fabrication, consomme toujours des énergies fossiles pour leurs déplacements, collabore toujours avec des fournisseurs étrangers ne respectant pas les droits humains, etc.
L’entreprise parfaite n’a pas encore vu le jour. Par contre, il y a des dirigeants d’entreprise qui ont entamé une démarche de développement durable pour tenter d’améliorer la situation. Pour tenter de réformer leur entreprise en considérant les prochaines générations.
Je ne joue pas à l’autruche non plus. Je sais pertinemment que plusieurs entreprises, même la majorité des entreprises, abordent le développement durable sous l’angle de l’amélioration de l’image de marque, de bien paraitre, et de vouloir être identifié comme un bon citoyen corporatif afin de faire mousser leurs revenus. Bref, pour les mauvaises raisons.
Par contre, avec certaines entreprises que j’ai accompagnées en tant que consultant, je sais qu’il y a des entrepreneurs qui veulent être des acteurs de changement, qui veulent contribuer réellement à un monde meilleur, qui veulent que nos enfants puissent jouir d’une belle qualité de vie tout en ayant un emploi agréable qui les rend heureux et fiers.
Le développement durable n’existe pas encore dans sa forme optimale, mais une chose est sûre, les personnes qui peuvent et qui veulent participer à une société économiquement viable respectant l’humain et l’environnement existent bel et bien.
Le développement durable n’est qu’à ses débuts et c’est à nous de le mettre en application. C’est à nous d’accélérer le pas! L’entreprise durable n’existe pas aujourd’hui, mais les gestionnaires ont tous les outils en main pour le devenir. La route est longue, mais nécessaire.